kamerfoot vous propose l’interview accordée il y a quelques jours par Maître Florian Mbayen à Christophe Boisbouvier de rfi. L’avocat camerounais au barreau de Paris, était aux côtés de Samuel Eto’o au siège de la CAF lors de son passage devant le jury disciplinaire.
Que répondez-vous à ceux qui affirment que Samuel Eto’o a été impliqué, il y a deux ans, dans l’organisation de matchs truqués pour faire monter en première division Victoria United?
Je répondrai que ce serait très mal connaître monsieur Eto’o qui a une carrière exemplaire en tant que footballeur. Il n’a jamais été impliqué dans les moindres problèmes d’éthique durant toute sa pratique du football. Donc c’est en totale contradiction avec ses valeurs. Ce sont des accusations fantaisistes qui à mon avis révèlent d’autres intentions.
A l’appui de leurs dires, les accusateurs ont produit l’enregistrement d’une conversation téléphonique qui aurait eu lieu entre Samuel Eto’o et le président de Victoria United. Une conversation où les deux interlocuteurs se seraient accordés sur l’impératif de faire monter ce club en première division…
Monsieur Eto’o a appelé, ça il le reconnaît, monsieur Nkwain parce que monsieur Nkwain avait interrompu un match de football. Il menaçait de quitter le championnat parce qu’il était agacé que son équipe subisse, selon lui, un certain nombre de violation règles arbitrales. C’est à la suite de cet incident que Monsieur Eto’o a appelé monsieur Nkwain. Maintenant, le contenu de l’enregistrement qui a été produit, on doit vous avouer que nous avons demandé son rejet au tribunal parce qu’il est impossible de l’identifier. Il n’a pas fait l’objet d’une authentification. Monsieur Eto’o a bien eu une conversation avec monsieur Nkwain suite à un incident qu’il a déclenché sur un stade de foot. Mais, je ne peux pas vous garantir que la communication produite par ses accusateurs est le reflet des actes de leurs échanges.
Mais le fait est que Victoria United est monté en première division…
Mais il me semble que c’est un club qui est très bien structuré. Il a des infrastructures pour ses joueurs qui payent correctement ses joueurs, qui a mis en œuvre ce qu’il fallait pour rentrer dans les canons. Il n’est pas étonnant qu’il soit monté en première division. Et n’oubliez pas que ce sont eux les vainqueurs du championnat de cette année. Est-ce qu’on va aussi dire que monsieur Eto’o a favorisé ce titre en première division. C’est complètement inaudible comme propos.
Vous niez catégoriquement toute implication de Samuel Eto’o dans une histoire de matchs truqués ?
Monsieur Eto’o nie catégoriquement toute implication. Ce ne sont pas ses valeurs, ce ne sont pas ses idées. Dans l’échange téléphonique, monsieur Eto’o affirme ses valeurs. Il dit à son interlocuteur qu’il y a des procédures. S’il a des griefs contre des officiels, ces griefs doivent faire l’objet de réserves. Ces réserves sont ensuite portées aux commissions qui vont statuer et décider.
Qu’est-ce que vous répondez, maître, à ceux qui disent que Samuel Eto’o a conclu un contrat de sponsoring entre la Fécafoot et une société de paris sportifs ?
Monsieur Eto’o a effectivement conclu en tant que président de la Fédération camerounaise de football, un pré contrat qui devient sponsor de Fécafoot. Ce pré contrat a été signé en mai parce que monsieur Eto’o ne pouvait pas être présent pour la signature du contrat final. Mais c’est un contrat entre la Fécafoot et la société en question et non avec Samuel Eto’o. Il y a donc eu une cérémonie de signature de pré contrat le 27 mai 2023. Un pré contrat entre la Fécafoot et la société de pari sportif. Le contrat final a été réitéré le 30 juin signé par la vice-présidente de la Fécafoot. Il est reproché à Monsieur Eto’o, pas la signature du contrat. On l’accuse d’avoir signé un contrat à titre personnel.
Que répondez-vous ?
Non, monsieur Eto’o n’a jamais signé à titre personnel. Il a apporté la preuve de la signature des deux contrats. Là encore une fois de plus, on a inversé les rôles c’est-à-dire, qu’on a des accusations qui sont proférées et c’est à l’accusé d’apporter la preuve de son innocence.
Samuel Eto’o a donc été longuement auditionné cette semaine au Caire en Égypte par le jury disciplinaire de la CAF. Comment a-t-il vecu cette épreuve ?
C’est une épreuve particulièrement difficile pour Monsieur Eto’o parce que, se retrouver cette fois-ci au rang des accusés pour des motifs aussi fallacieux et léger, était particulièrement éprouvant. C’était d’autant plus éprouvant que toute cette procédure a été bancale. C’est le moins que l’on puisse dire. Des entorses ont émaillé ce dossier. Ils ont rendu le dossier difficile et la vie des membres du jury disciplinaire compliquée. En effet, ils devaient gérer un dossier qui était très très ficelé. C’est ce qui a entraîné de longues auditions, de nombreux incidents. Cependant, nous avons foi à l’indépendance de ce jury disciplinaire. Nous espérons qu’il saura faire fi des interventions externes.
Il y a eu plusieurs incidents lors de l’audition de ce mardi ?
De nouvelles pièces avaient été ajoutées au dossier montrant bien que le dossier initial était vide. On a rajouté de nouvelles pièces à 10 jours pour lesquelles on a répondu. Le jour de l’audience, on a découvert une nouvelle pièce et on a découvert qu’il y avait eu des auditions de personnes auxquelles on n’avait pas accès. Cela a donné lieu à un nouveau incident. Cela a poussé le conseil disciplinaire à renvoyer au 26 et c’est le 26 qu’on a plaidé. Il n’y a eu que des incidents au cours des procédures. C’est des vrais incidents parce que c’est des incidents qui portaient sur le respect des droits de la défense. On ne peut pas avoir un dossier qui a été transféré et qui est différent du dossier que nous avons.
Est-ce que vous avez senti du coup un président de jury qui vous était hostile ?
Non. On a senti un président du jury qui subissait quelque part, l’impréparation de la phase administrative. Il était obligé de composer avec. Il devait gérer cette impréparation et aller au bout de son audience…
A la veille de votre convocation, c’est Henry Njalla Quan, l’un des accusateurs qui avait été entendu par même jury. Est-ce que vous avez senti qu’il avait marqué des points lors de cette audition ?
Déjà, on ne sait pas qui est l’accusateur. La dénonciation écrite qui nous a été communiquée est un PV d’une association sportive de football amateur qui ne fait pas partie des associations de la Fécafoot. Cette association donnait mandat à son président de saisir la Fifa pour les faits en question. On n’a pas un document de quelqu’un qui a saisi la CAF de cette dénonciation. On a appris l’audition de monsieur Njalla Quan par voie de presse.
Vous avez l’air de douter que le véritable accusateur soit cet ancien vice-président de la Fécafoot. Qui est selon vous le vrai accusateur alors ?
Je ne doute pas. Factuellement, nous n’avons pas un acte d’accusation ou de dénonciation émanant de ce monsieur. Le seul document de ce dossier émane d’une association.
Le fait est que c’est Henry Njalla Quan qui a été auditionné lundi dernier la veille, la veille de votre convocation et que c’est apparemment le principal accusateur contre Samuel Eto’o. Quelles sont à votre avis les mobiles de cet accusateur ?
Je ne peux pas y répondre. J’ai cru comprendre que c’est un ancien membre du Comité exécutif. Toujours est-il que l’accusation qu’il porte et les éléments sur lesquels il s’appuie sont tenus qu’on s’interroge réellement sur l’intention derrière. Je ne pense pas que ce soit l’éthique de sport qui l’a motivée.
Vous pensez que ça va au-delà du sport ?
Je pense qu’il y a une dominance personnelle derrière. En plus, l’accusation est vide ; le dossier est vide. Vous avez parlé d’un audio, un audio dans lequel on peut faire dire ce qu’on veut… Dans le dossier du jury disciplinaire a été communiqué une transcription de cet audio. A un moment dans l’audio Eto’o dit : “ je ne vais pas appeler des arbitres’’. Dans le dossier qui a été communiqué au jury disciplinaire, la transcription indiquait : “ je ne vais pas payer des arbitres”. Ça montre qu’il y a une volonté de nuit manifestement.
Alors certains disent qu’au-delà de cette rivalité personnelle entre monsieur Njalla Quan et Samuel Eto’o, il pourrait y avoir des connexions entre cet accusateur Henry Njalla Quan et le ministre camerounais des sports Narcisse Mouelle Kombi qui est en conflit, tout le monde le sait, depuis 5 mois avec Samuel Eto’o. Qu’en pensez-vous ?
Les conflits entre le président de la fédération camerounaise et le ministère sont connus. Ce sont des conflits techniques ; ce ne sont pas des conflits de personnes. On ne fait pas ce lien nécessairement. Monsieur Eto’o a plusieurs détracteurs. J’imagine que dans ses détracteurs, il y a des personnalités politiques, peut-être, ce n’est pas exclu en tout cas. Toujours est-il qu’il n’a pas d’ambition politique. Il l’a clairement rappelé. Sa seule ambition c’est le football camerounais. Nous espérons que des manœuvres telles que celles qui ont été ourdi ne vont pas l’interrompre dans sa mission.
Des personnalités politiques qui ne sont pas à exclure. Pensez-vous à l’entourage du secrétariat général de la présidence de la République ?
Je ne me prononce pas dessus. Moi je ne sais pas. La force de monsieur Eto’o c’est de s’appuyer sur les textes et le droit. Pour le reste, tous les aspects subjectifs doivent être écartés.
Vous ne semblez pas douter qu’Henry Njalla Quan, le principal accusateur a des connexions politiques…
Je n’en sais rien. Si c’est ça qui fonde l’accusation, c’est maigre. Et donc le fait que vous puissiez déclencher une telle procédure, faire un tel bruit sur la base de quelque chose d’aussi tenu révèle que vous êtes mû par autre chose. Chaque fois en tant qu’avocat que vous voyez un dossier émaillé d’incident et de vice de procédure, ça veut dire généralement qu’il y a des choses qui sont attachées. Ce n’est pas normal que sur un dossier, qui est un dossier simple, vous dites que quelqu’un a truqué des matchs. Vous devez avoir les preuves de ce que vous dites parce que ce sont des accusations graves ; vous devez avoir des preuves matérielles. Mais quand on se retrouve avec des artifices juridiques, des incidents de procédure avec des violations des droits de la défense tout au long de la procédure, c’est très grave.
Il y a des personnalités politiques dans les coulisses alors …
Je ne veux pas pointer le doigt. Je vais laisser les gens se faire leur opinion. Moi je dis que en tout cas, qu’il y a des gens qui ne veulent pas que les choses se fassent.
Dans un communiqué Samuel Eto’o vient de déclarer qu’il continuait de soutenir le président Paul Biya et qu’il n’était en aucune façon, en aucun cas candidat à la présidence de la République. Mais si demain il quittait la présidence de la Fécafoot, qu’est-ce qui l’empêcherait de se lancer en politique ?
Je ne sais pas. Peut-être que ce n’est pas son domaine de compétences. Eto’o connaît le foot. C’est ça son domaine de compétence. La politique, il ne connaît pas. Ça ne l’intéresse pas. Il peut la comprendre parce que c’est quelqu’un de très intelligent